Burkina : se regarder dans la glace… oser se réinventer

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Alors que tous les yeux sont braqués sur les seuls aspects militaires et humanitaires de la crise que traverse le Burkina Faso, Fasocheck tente, à travers un projet éditorial ambitieux, mais modeste, de raconter cette crise à travers les mots de ceux qui la vivent. Objectif : fédérer les communautés pour une gestion inclusive des conflits.

Voici bientôt sept ans que le Burkina Faso connaît l’une des périodes les plus sombres, mais surtout, des plus complexes de son histoire. Sept longues années au cours desquelles des millions de Burkinabè, en plus d’avoir été déchirés dans leurs âmes par l’abandon de leurs terres, ont perdu des êtres chers. Ceux qui semblent s’en sortir le mieux, sont certains de ces citadins qui, du jour au lendemain, se retrouvent à s’occuper de plus de personnes, soit parce qu’issus du même village, soit par pure compassion. Que dire de ces Burkinabè qui ont tout perdu, y compris leur dignité ? Que dire de tous les morts arrachés à l’affection des leurs et dont les esprits hantent encore ceux des vivants ? Que dire, ou plutôt, que disons-nous de nous-mêmes au milieu de tout ce marasme ?

Quitter le fatalisme

A Fasocheck, nous sommes convaincus que cette crise multidimensionnelle que traverse le Burkina Faso comporte en elle-même les éléments qui préfigurent d’un Burkina meilleur, si tant est que nous osions nous regarder en face. Avec nos laideurs et nos charmes.

Depuis août 2022, avec des radios communautaires implantées dans l’est, le centre, le  nord et l’ouest du pays, nous tentons de raconter la crise autrement que par le prisme du misérabilisme. Ces espaces médiatiques que nous avons créés sont le lieu où les déplacés internes, les acteurs humanitaires et de l’administration publique ainsi que les populations hôtes ont pu évoquer en direct, sur les antennes et sans faux-fuyants, les problèmes vécus par chacune des parties, avec l’objectif de dégager des solutions.

Par le biais de magazines radiophoniques interactifs en langues nationales, nous publions des histoires inspirantes de personnes qui, de diverses manières, construisent une société plus accueillante.

Les exemples en la matière sont légion. Mais tenez. Alors que de nombreuses femmes déplacées sont doublement victimes de violences basées sur le genre et de difficultés à trouver de nouvelles activités rémunératrices, à Banfora, une transformatrice de manioc emploie dans son unité de production cinq femmes déplacées sur les sept personnes que compte son entreprise. 

Ce que la crise dit de nous

A 660 kilomètres plus à l’est, un enseignant reconverti au commerce a offert des toits et des emplois à des familles de déplacés de Fada N’Gourma. Dans la même veine, des déplacés arrivant à Ziniaré, dans la région du plateau central, se sont vu prêter des terres pour les travaux champêtres, par une veuve de la localité, dolotière depuis une vingtaine d’années. Cette dernière a agi ainsi après avoir entendu le cri de cœur de Burkinabè désemparés lors d’une de ces émissions radio que nous produisons. Ziniaré comme Ouagadougou la capitale, n’a pas de site officiel d’accueil de déplacés internes.

Oubliés ou réduits à l’appellation “clusters éducation”, les enfants ont aussi leurs mots à dire dans ce projet éditorial. Comment vivent-ils ces drames ? Que pensent-ils de la société qu’ils découvrent ? Et quels sont leurs rêves pour leur pays ? Issa, un adolescent arrivé à Ziniaré en 2021 après avoir fui son village avec sa famille, a confié que son rêve est de devenir expert-comptable. Pourquoi ? Pour impulser une gestion vertueuse des ressources financières publiques trop souvent dilapidées par ceux qui en ont la responsabilité. “Je crois que c’est la corruption qui a entraîné tous ces problèmes que nous avons”, a conclu Issa, alors en classe de Terminale D dans un lycée de Ziniaré..

Il est encore possible de se réinventer

A travers nos interventions, les quatre radios qui nous accompagnent ont, avec leurs auditeurs et l’administration, pris des engagements pour contribuer à résoudre des problèmes sociaux dans leurs localités respectives. Ces engagements se sont traduits par des projets communautaires touchant l’assainissement, la santé, l’éducation, l’entrepreneuriat, etc.

Nous croyons que ces exemples susmentionnés témoignent que nos valeurs d’humanité, de partage et d’acceptation de l’autre ancrées dans nos identités culturelles comme partout ailleurs, ne sont pas mortes. Nous espérons, à travers ces productions, montrer aux Burkinabè qui les écoutent, qu’il est encore possible de se réinventer en tissant un nouveau pacte social plus respectueux de nos valeurs et de nos aspirations nationales.

La situation est complexe, certes. Mais elle ne nous dépasse pas, comme le démontre le Dr Ras-sablga Seydou Ouédraogo, de l’institut de recherche FreeAfrik.

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